Le fou malheureux

9 AM - Je suis dans l'autobus, assise bien tranquille, regardant simultanément le paysage et mon téléphone (je suis honnête), quand un fou malheureux serpente l'autobus se cherchant un endroit où s'asseoir.  Il me demande s'il peut s'installer à côté de moi .  Je prends mon gros sac, que je laisse toujours sur le banc a côté de moi (je suis encore honnête), et lui permet de s'asseoir.  Il a une odeur nauséabonde comme une personne qui ne s'est pas lavé de la semaine, juste cela rend inconfortable.  De plein gré, il me demande si je veux être son ami.  En l'espace d'un instant je me suis retrouvée dans un autre univers.  Un univers étrange où l'enfance et l'âge adulte sont doucement entremêlées mais qui n'a rien à voir avec l'adolescence.  En l'espace de quelques minutes nous avons discuté de l'amitié, du bonheur et de la liberté de l'été, du deuil, de Dieu...et voilà, il débarque et la conversation s'est terminée.




Cette brève rencontre m'a rappelé la merveilleuse scène du Fabuleux destin d'Amélie Poulain où le personnage principal fait faire une promenade colorée à un aveugle.  Sauf que dans ce cas, l'aveugle c'est moi.  Un univers surréaliste nous surprend tout à coup et nous montre la vie sous un autre angle.  Comme lorsque l'on se retrouve avec des enfants.  Un univers autre et beaucoup plus riche que les conversations de météo et de quotidien du genre: «Qu'est-ce que t'as fait en fin de semaine?». 




Revenons-en au fou malheureux.  Suite à cette rencontre, je me suis posé la question suivante:  Quels sont les degrés de bonheur et de souffrance chez cet homme?  Il m'a abordé en me demandant d'être son ami.  On sent à prime abord une souffrance.  Une solitude.  Mais il m'a ensuite dit qu'il était en vacance et heureux de profiter de l'été.  La question de l'ami n'est-elle pas seulement une entrée en matière maladroite? L'aisance de passer d'un état à un autre ne représente-t-elle pas une souffrance moindre?  D'un autre côté, sa posture n'était pas celle d'un homme heureux.  Les épaules courbées, le regard rivé au sol...  Je sentais en le regardant qu'il lui manquait quelque chose...des amis probablement.


Je ne peut pas connaître ses sentiments mais je serais curieuse de savoir ce qui se passe à l'intérieur d'un fou malheureux.  Le quotidien est-il lourd ou léger?  Les sentiments...profonds ou pas?  La souffrance intense???  Ça reste un mystère.  Comment en vient-on à demander de l'amitié à des passagers d'un autobus...et ce... sans gêne?


Bref, ce genre de conversation colore une journée car c'est une expérience que l'on se souvient.  Ce qui n'est pas le cas des conversations banales.  Lorsqu'il est parti, un homme me dévisageait.  J'avais envie de lui dire:  «Vous ne regardez pas la bonne personne, le plus fou des deux...c'est moi!»



Commentaires

  1. J'ai adoré cette petite annecdote, je suis d'avis que si on baigne dans la folie, c'est qu'il y a une souffrance profonde sous-jacente qui crée ce désiquilibre même si dans la folie on peut retrouver des moments de bonheur incroyable. La folie où on est heureux, est selon moi, le dernier retranchement d'un être profondément malheureux qui va aller jusqu'à distortionner la réalité pour ressentir un peu de bonheur illusoire. Cet homme était probablement très seul et pas capable de créer des liens sociaux avec sa personnalité "normal". Peut être sa "folie" est le seul moyen pour lui de rentrer en contact avec les autres. Peu importe la réalité, je lui souhaite la parcèle de bonheur qu'il lui faut pour rendre ca vie vivable. Continue Cath à soulever ces questions existentiel et sociétal, ca fait un beau changement de l'océan d'absurdité sur facebook.

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